jeudi 15 septembre 2016

Le bol d'eau chaude - par Florence Braud

C'est une chambre d'hôpital. Dans cette chambre, un homme va mourir. Dans quelques jours ou dans quelques semaines, personne ne sait au juste, mais il va mourir, ça, tout le monde le sait. C'est une chambre qui attend la mort, cependant elle est pleine de vie. Les murs sont décorés de photos, c'est interdit pourtant, mais le personnel soignant a gentiment fermé les yeux. Au bout du lit trône un vieux doudou, c'est Martin, le doudou de l'homme qui va mourir.  Bien sûr, ça fait bien longtemps que Martin ne sert plus de doudou à personne, mais la fille a retrouvé cette vieille peluche dans un carton et elle l'a amenée à son père, comme un petit clin d’œil. La fille, justement, est assise sur le fauteuil. Dans ses bras, un bébé endormi. Un tout jeune bébé, qui n'a que quelques semaines à peine. Trois générations dans cette chambre pleine de vie qui sent déjà la mort, trois générations silencieuses et fatiguées.

Deux petits coups discrets frappés à la porte. L'homme malade dort, le bébé aussi, seule la fille relève la tête. Une aide-soignante entre doucement et dépose un bol d'eau chaude à côté du fauteuil. La fille sourit et remercie, elle a envie de pleurer mais elle se retient, ses sanglots risqueraient de réveiller l'homme et l'enfant endormis. L'eau chaude, c'est pour sa tisane, parce qu'au distributeur de l'hôpital il n'y a que du thé et du café. Ce n'est qu'un bol d'eau chaude, mais c'est tellement plus que ça. Ce bol d'eau chaude, c'est aussi la merveilleuse attention d'une aide-soignante pour cette maman fatiguée qui va bientôt perdre son père. C'est la bienveillance de toute une équipe qui accompagne sa famille depuis plusieurs mois. C'est le sourire de l'aide-soignante, l'écoute de l'infirmière, l'humour du brancardier. C'est la douceur de la kiné et la gentillesse de l'ASH. C'est le soin dans ce qu'il a de plus beau, le soin qui ne soigne pas mais qui prend soin.


C'est cette équipe soignante qui m'a donné l'envie d'être aide-soignante. Grâce à un bol d'eau chaude.


Florence Braud

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Ce billet de Florence a été originellement publié sur son blog, "Soignante en devenir". Vous êtes vivement invité à lire également ce second billet, "côté obscur" de celui qui précède. 

1 commentaire:

  1. Il y a quelques années un de mes enfants a été hospitalisé pour une pneumopathie. Il n'avait que 6 ans et la douleur, ainsi que la rapidité de la prise en charge aux urgences et la décision d'hospitalisation ont été très angoissants pour lui. Cela lui rappelait également peut-être une hospitalisation à 4 semaines pour une bronchiolite. Très angoissé malgré ma présence permanente dans la chambre mère-enfant, il ne dormait plus, passait de la colère aux crises de larmes. Une nuit que j'étais épuisée et démunie face à ses insomnies, une infirmière a pris le temps de s'installer avec nous dans la chambre. Nous avons regardé une documentaire sur les raies qui nageaient dans l'océan. Mon petit bonhomme qui était devenu ce qu'il n'est pas du fait de la maladie et de l'hospitalisation s'est alors adouci, endormi. Le réconfort et le soutien de l'infirmière m'ont également apaisée. Je me suis autorisée à me détendre. Lorsque nous sommes rentrés de l'hôpital, j'ai écrit à cette infirmière pour la remercier. Pensez à remercier le personnel soignant, cela ne règlera pas le problème des salaires sous payés, des horaires à rallonge et du rythme de travail frénétique, mais cela peut remettre un peu de joie ...

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